England's Lane by Unknown

England's Lane by Unknown

Auteur:Unknown
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Editions Flammarion
Publié: 2013-02-03T05:00:00+00:00


Milly fulminait, inutile de le nier – même si elle ne devait en aucun cas le laisser paraître. Tout doit sembler absolument normal, ce soir : je lui ai déjà expliqué l’essentiel de l’histoire, je pense, avec suffisamment de légèreté, oui, aucun doute, car finalement il ne s’agit que de Jim, dont on peut difficilement dire que l’intuition est sa qualité première : il est tout à fait dépourvu de flair, de soupçon – ne voit que ce qu’il a directement sous le nez. Toutefois, je préfère marcher sur des œufs avec lui – prudence toute naturelle chez une femme, et qui contribuera à me rassurer pleinement. Cela dit, je n’ai guère d’excuse – aucune, en fait. C’était complètement idiot de faire ce que j’ai fait, et pour tout dire affreusement humiliant : le geste d’une folle, ni plus ni moins – mais la passion, vous voyez : voilà à quoi vous mène la passion.

Au départ, je suis simplement restée assise dans la boutique, me sentant assez ridicule. Ce n’est pas ma place : tout y est complètement incongru pour moi. C’est le domaine de Jim, et grand bien lui fasse. Son odeur est partout – à moins que ce soit le contraire : j’imagine qu’à présent, les deux sont interchangeables. Au cours des siècles, le vieux coussin de chintz tout élimé et tout aplati sur le tabouret a pris la forme de ses fesses, en creux. Et sous le coussin, s’empilent quantité de vieux sacs de courses en papier, à poignée de ficelle nouée, provenant de diverses boutiques de la rue, dont certaines fermées depuis bien longtemps. Pourquoi garder de telles vieilleries inutiles sous un coussin ? Et depuis combien d’années se trouvent-elles là ? Quand aux dents du dévidoir à ficelle, elles sont entièrement rongées par la rouille : jamais elles ne couperont la moindre ficelle, et c’est d’ailleurs pourquoi, très souvent, alors qu’il donne un grand coup, tout l’appareil se retrouve au sol, la ficelle se déroulant allégrement, Jim jurant comme un charretier ; et Paul de se plaindre d’avoir dû une fois de plus tout rembobiner et remettre en place. À côté du dévidoir, sur le comptoir, est posée une paire de ciseaux : non pas une paire de ciseaux complète et en état de marche, bien sûr, car cela voudrait dire qu’elle est prête à servir immédiatement, et efficacement. Donc non, non, cette paire-là n’a qu’une lame, au centre de laquelle ballotte et grelotte le rivet tordu. Donc il va utiliser cet objet émoussé comme une piètre alternative à un couteau normal, puisque, n’est-ce pas, les dents du dévidoir à ficelle sont totalement corrodées. Un tel système, dans l’univers de Jimmy, dépasse la simple maîtrise : il croit ainsi avoir trouvé un truc suprêmement habile et pratique, une solution plus qu’ingénieuse. Je sais tout cela, d’instinct, tout en demeurant, oh… à mille lieues de toute forme de compréhension. Et puis il y a les odeurs – ce mélange un peu sucré de vague pourriture et



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